Entreprendre à contre-courant

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Voici un sujet qui nous tient particulièrement à coeur au Shift. De nature, Karine et moi n’avons pas tendance à suivre le flow. On prend plaisir à remonter le courant à l’envers, pas parce que c’est plus difficile (même si c’est le cas) mais parce que c’est ce que l’on aime faire, et ce qui nous paraît être la bonne chose à faire. Avec les amis de La Cordée, on a trouvé de bons compagnons pour partager cette vision. Cet article fait d’ailleurs suite à une conférence que l’on a organisée ensemble le 10 septembre dans leurs locaux rennais.

Entreprendre à contre-courant ????

Mais ça veut dire quoi entreprendre à contre-courant ? J’imagine qu’il y a quelques années, entreprendre signifiait déjà être à contre-courant, et c’est sans doute encore plus ou moins le cas. Ceci étant, l’entrepreneuriat s’est démocratisé, et les raisons de passer à l’action aussi.

Pour moi, entreprendre à contre-courant, c’est surtout entreprendre de la manière dont on le sent. Faire les choses non pas parce que c’est comme ça que les autres font, ou que c’est comme ça que l’on m’a dit qu’il fallait faire (livre business, coach, consultant, mentor), mais parce que j’ai l’intime conviction que je dois le faire comme ça. Que c’est la bonne chose à faire.

C’est un sujet très proche de la raison d'être de l'entreprise et de ses valeurs (des sujets que l’on abordera dans d’autres articles), que l’on peut voir aussi bien par les choses que l’on fait, la manière dont on les fait, que par les choses que l’on ne fait pas. Et la meilleure manière d’en parler, c’est de les illustrer par des exemples :

Patagonia

Une de mes entreprises préférées. Quoi de plus cohérent pour des adeptes du sport outdoor (son fondateur Yvon Chouinard est un grimpeur et alpiniste, amoureux des montagnes, qui n’avait pas particulièrement l’intention de devenir entrepreneur) que de créer des produits qui n’ont pas d’impact négatif sur l’environnement ? Engagée depuis plus de 45 ans, l’entreprise californienne vend principalement des vêtements pour alpinistes, grimpeurs, trailers, surfeurs ou encore pêcheurs à la mouche. Parce que les actions parlent plus que les mots, voici quelques faits d’armes de Patagonia : la pub “n’achetez pas cette veste”, leur site dédié à la réparation et la réutilisation de leurs vêtements, leur réaction suite au scandale des moutons maltraités revélé par Peta, l’action en justice menée contre le gouvernement Trump, sans oublier de nombreuses innovations dans les produits éco-conçus.

Brewdog

Une brasserie pas comme les autres, créée en 2007 par James Watt et Martin Dickie en Ecosse pour lutter contre l’omniprésence des bières industrielles dans les bars et supermarchés. Ils lancent donc une micro-brasserie qui va avoir un succès et une croissance incroyable, grâce notamment à une culture et un état d’esprit punk et rebelle, que l’on retrouve dans de nombreuses actions : un char militaire dans les rues de Londres pour l’ouverture de leur bar londonien, des levées de fonds exclusivement auprès de leur communauté, la création d’une bière à 55%, leur battle avec Diageo (qui détient Guiness). James Watt a écrit un bouquin “Business for Punks” (lien en fin d’article) que j’aime beaucoup, ou l’état d’esprit de Brewdog transpire. Décapant et clairement à contre-courant.

Kickstarter

Une B Corporation américaine, qui combat la monoculture depuis sa création, grâce au crowdfunding. Kickstarter ne se focalise pas (uniquement) sur ses bénéfices mais sur sa contribution à la réalisation de projets créatifs, qui n’auraient potentiellement pas vu le jour sans leur intervention. Stop à l’unicité des grands courants, ils donnent la possibilité aux “petites” voix de se faire entendre, via l’accès au financement par la foule mais aussi en proposant un formidable outil pour construire et valoriser sa communauté autour de ses projets. Elle s’engage également à redistribuer une partie de ses bénéfices à des associations culturelles et à ne pas mettre en place des moyens qui, d’une manière ou d’une autre, contribueraient à échapper aux paiements de certaines taxes (engagement de toutes les B Corp). Nous avons assisté à une conférence très inspirante de son ancien CEO au Web Summit 2015, qu’il a retranscrit dans un superbe article (lien en fin d’article).

Basecamp

Une autre entreprise inspirante, autant par ces choix que par les écrits de ses 2 cofondateurs DHH et Jason Fried. Ils sont principalement connus pour leur livre Rework. Ce que peu de gens savent, c’est que c’est une entreprise sans bureau, qui recrute les meilleurs, quel que soit l’endroit où ils se trouvent. Parce qu’ils ne cherchent pas à grandir, mais plutôt à avoir la bonne taille, qui leur permet d’être excellent dans ce qu’ils font, ils se sont séparés de plusieurs activités (rentables) pour se concentrer sur leur outil de gestion de projets, Basecamp. Alors que certains de leurs concurrents sont plusieurs centaines, eux sont restés, volontairement, une cinquantaine. Parmi d’autres actes à contre-courant, on peut noter leur choix radical dans leurs dépenses de communication ou encore leur modèle de pricing. Et bien entendu, on vous invite à lire leurs bouquins et l’article de DHH en fin d'article.

VEJA

Cocorico ! Une superbe entreprise française engagée dès le premier jour à être un acteur de la mode qui fait du bien à la planète. Ce qui est impressionnant, c’est l’engagement fort, dès le tout début, de Sébastien Kopp et François-Ghislain Morillon : utilisation de matières premières (caoutchouc, coton) et procédés de fabrication écologiques, principes du commerce équitable pour une meilleure répartition de la valeur entre tous les acteurs (VEJA rachète notamment son coton a un prix complètement décorrélé de celui du marché et de ses fluctuations), travaillent en direct avec des familles et des associations de producteurs au Brésil, travail avec un ESAT en France pour le dispatch de leur chaussures chez leurs revendeurs,... Au final, leurs baskets coûtent 5 fois plus cher qu’une basket traditionnelle, la marque compense par des coûts marketing bien moindres. Pour mieux comprendre la logique de la marque, je vous invite à lire cette page et à écouter les deux épisodes de Podcast en fin d’article.

La Cordée

Ce n’est pas parce que l’on a animé cet évènement ensemble que je parle d’eux. Je les connais bien et en observant la manière dont ils fonctionnent, dont ils évoluent, presque de l’intérieur, j’ai toujours plus de respect pour la manière dont ils gèrent leur activité et leur développement. Avec ses 12 espaces de coworking, La Cordée s’est donné une mission passionnante : créer un écosystème bienveillant pour permettre à chacun de s’accomplir (par le travail). Et elle le fait avec passion, en étant au service de ses clients, de ses salariés et son écosystème, le tout en faisant preuve d’une extrême transparence (je vous invite à lire sur leur blog l’article sur la levée de fonds ou encore les salaires). C’est une entreprise qui symbolise à mon sens la coopération et qui donne la possibilité à chacun, comme nous, de faire son travail, de mener son projet, à sa manière.

Et au Shift alors ?

Oui, parce que ce sujet, on ne cherche pas seulement à l’observer, mais également à le vivre au quotidien. Au Shift par exemple, nous évitons chaque fois que c'est possible de fonctionner au forfait. On essaie d'être le plus efficaces possible, de rendre nos clients autonomes le plus tôt possible, et si on ne "consomme" pas l'intégralité des jours prévus, et bien... c'est que l'on a bien travaillé 😃 On ne dit pas que nos méthodes sont parfaites, mais on expérimente des choses, en fonction de nos clients, toujours dans l'optique d'une relation gagnant-gagnant. Nous refusons également des opportunités, quand le métier ou les valeurs de nos prospects sont en contradiction avec les nôtres (“vous vendez du glyphosate ? Ah, ça ne va pas être possible...”). Ce n’est pas forcément bon pour le C.A., ni pour notre trésorerie ou notre sérénité, mais on ne l’envisage pas autrement.

Comme beaucoup d'autres nous contribuons à l'écosystème rennais. On a organisé 4 ans de suite le Startup Weekend, on organise régulièrement des évènements ouverts et gratuits, des évènements payants sur lesquels nous ne gagnons pas d'argent, et on reçoit également de nombreuses personnes pour les aider sur leurs projets. Certains deviennent clients, mais ce n'est pas pour cela que nous le faisons. C'est parce que l'entrepreneuriat sous toutes ses formes nous passionne, et si on a la possibilité, même à une échelle microscopique, de contribuer au développement d'aventures entrepreneuriales de notre territoire, on le fera toujours 💪

Les règles d'or pour entreprendre à contre-courant (selon nous !)

On pourrait parler des heures de ce sujet, on y reviendra probablement dans d’autres articles. Pour finir, quelques règles d’or pour entreprendre à contre-courant :
  • Avant d’aller à contre-courant, être au clair sur la raison d’être de son projet, les intentions que l'on y met
  • Ne pas aller à contre-courant pour le plaisir de ne pas faire comme les autres
  • Être soi-même (ça ne sert à rien de faire le punk si au fond de nous, on ne l’est pas)
  • Et donc bien se connaître pour fixer un cap, suivre sa voie et trouver son équilibre
  • Être curieux, en permanence chercher à s’améliorer, à s’inspirer d’autres, tester, tout en gardant son cap.
  • Ne jamais dire “on a toujours fait comme ça” ou “tout le monde fait ça donc…”
  • Et bien sûr, venir coworker à La Cordée et suivre le programme Explore 😉
Et vous, quelles entreprises à contre-courant connaissez-vous ? En quoi vous inspirent-elles ? N’hésitez pas à les partager en laissant un commentaire 🙏

Pour aller plus loin :


Resist & Thrive (article anglais) - Yancey Strickler
Reconsider (article anglais) - DHH
Let’s my people go surfing (livre en français et en anglais) - Yvon Chouinard
La vache pourpre (livre en français) - Seth Godin
Business for punks (livre en anglais) - James Watt
Podcast Generation DIY avec Sébastien Kopp, cofondateur de Veja : épisode 1 et 2

PS : les liens fournis pour les livres sont des liens vers Amazon. N’hésitez pas à acheter les livres d’occasion auprès de revendeurs tels que RecycLivre et Bookhémisphères, vous soutiendrez l’éducation et épargnerez l’environnement.
 

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