Agilité et innovation sont dans un bateau…

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Agilité et innovation sont dans un bateau...

Plus Le Shift grandit et plus je vois de liens étroits entre agilité et innovation. Cela vient sans doute d'un état d'esprit commun : travailler avec et pour le client et ses besoins, accepter que la solution est encore inconnue - voire qu'elle n'est pas entre nos mains - et qu'on va la construire pas à pas. Les entreprises qui ont soif d'innovation sont en train de découvrir que les 2 choses sont en effet très proches et c'est sans doute pourquoi le marché de l'agilité arrive à maturité en ce moment même.

Le manifeste agile et les principes d'innovation

Si l'on reprend une à une les valeurs du manifeste agile, on y trouve un écho dans les initiatives d'innovation qui réussissent.

"Les individus et leurs interactions, plus que les processus et les outils" : l'écoute, le respect et la communication directe sont les fondements des méthodes agiles. Ces valeurs, à mon sens, sont également au cœur de l'innovation. Sans elles, impossible de créer une culture d'entreprise ouverte, fluide et bienveillante dans laquelle chacun se sent autorisé à tester des choses, à échouer et à continuer de chercher. Impossible de créer cette fameuse fertilisation croisée (entre services par exemple) si personne ne communique efficacement en interne. Les entreprises qui n'arrivent plus à bien communiquer en interne disent généralement qu'elles veulent "casser les silos". Il s'agit moins de casser des murs (imaginaires du reste), que de construire des liens.

L'enjeu de la communication et de l'écoute se situe bien au-delà de l'interne, il s'agit aussi de mieux passer ses messages en externe, vers ses clients. Tout comme l'innovation n'est pas l'apanage de quelques heureux élus dans l'entreprise, une communication percutante ne doit pas être celui des services communication et marketing. La proposition de valeur et la valeur ajoutée de vos produits innovants doivent pouvoir être énoncées clairement par chaque collaborateur de la boite.

"La collaboration avec les clients, plus que la négociation contractuelle" : la démarche centrée client est au cœur de l'agilité depuis le début et c'est d'ailleurs ce principe qui permet d'augmenter la valeur ajoutée du produit et sa qualité globale. Côté innovation, les méthodes comme le Lean Startup, le Customer Development et le Design Thinking, mettent elles aussi le client au centre de toutes les décisions. A l'ère où le client a tout pouvoir en ligne et sur les réseaux sociaux, les entreprises comprennent qu'il ne s'agit plus d'être seulement efficace (faire les choses bien et de manière performante), encore faut-il faire les bonnes choses (être efficient). C'est là l'objet de toutes ces méthodes.

"Des logiciels opérationnels, plus qu’une documentation exhaustive" : Autrement dit vu par le prisme de l'innovation "Le produit, le produit, le produit". Steve Jobs disait "soit ça marche, soit ça ne marche pas. Quoi qu'on en dise, on en revient à cette chose très basique". Qui est responsable de la manière dont ça doit marcher ? La question est souvent épineuse. Lorsque nous l'abordons en formation agile, au travers du rôle du Product Owner, les entreprises butent souvent sur ce rôle. Rares sont ceux qui arrivent à identifier un P.O. rapidement. Ce qui nous interpelle alors c'est la question suivante : si personne n'est capable d'identifier un responsable du succès du produit, comment sait-on quel produit faire ? Et qu'est-ce qui a bien pu guider nos choix jusque là ?

"L’adaptation au changement, plus que le suivi d’un plan" Evidemment être agile c'est être capable de réagir rapidement aux aléas et d'agir pour embrasser le changement. Ce principe est également central dans l'innovation. La rapidité (de mise sur le marché), la vitesse (d'exécution) sont au coeur de toutes les disruptions actuelles. Les entreprises innovantes ont compris qu'au lieu d'attendre pour essayer de prédire l'avenir (planification), ce qui est devenu impossible tant le monde est complexe, il vaut mieux avancer vite et le créer soi-même.

D'autres résonances

L'équipe auto-organisée si chère aux méthodes agiles est un pré-requis pour que chacun se sente acteur et pleinement investi dans un projet : adieu le micro-management. De même, dans une recherche d'innovation, imaginer le futur ne doit pas être l'affaire de quelques uns mais bien une possibilité pour tous. Encore faut-il se sentir autorisé à imaginer et à proposer ce futur.

Dans l'agilité, s'auto-organiser c'est passer au management par objectif : réaliser dans un temps imparti telle portion du produit. Passer à l'équipe auto-organisée dans une démarche de recherche d'innovation est un peu plus compliqué. Il ne s'agit pas de manager par un objectif anxiogène ("il faut qu'on trouve un nouveau marché ou on est morts"), ni ROIste ("innovons plus gagner plus d'argent et de parts de marché"). Dans l'innovation, et notamment l'innovation de rupture, le but n'est pas connu. C'est alors la recherche de l'objectif qui devient l'objet même de l'auto-organisation ^^.

C'est en quelque sorte s'organiser pour faire le plus beau voyage possible, sans en connaitre la destination finale, en espérant trouver en chemin l'endroit génial où on posera nos valises.

Lâcher prise et dernier moment responsable Beaucoup d'entreprises prennent l'innovation comme un chantier structurable par une démarche, des process, une méthode. En clair, elles cherchent à se rassurer par le contrôle, notamment parce qu'innover coûte cher. On parlait plus haut de Design Thinking et de Lean Startup. Plus que des méthodes, il faut les voir comme des outils qu'on peut utiliser, adapter, détourner ou refuser. Et si on regarde les grandes innovations du 20e siècle, elles sont presque toutes arrivées par sérendipité. Alors peut-être qu'il s'agit moins de créer l'innovation que de créer l'environnement et un climat favorables à l'innovation ? La nuance est de taille.

Avec le 21e siècle et le numérique, l'innovation est beaucoup plus délibérée. Avec Internet et les smartphones, tout est devenu possible, et plus uniquement par accident. Reste que si on avait compris quelle invention peut réellement changer nos vies, si on connaissait cette formule magique, nous serions tous milliardaires. Ce n'est pas le cas et il reste encore une part d'incertitude et de ce qu'on peut appeler la chance (être là au bon moment au bon endroit avec la bonne exécution).

Ces réflexions me poussent à croire que les "innovateurs" devraient, pour maximiser cette "chance", adopter un principe issu de l'agilité : celui du dernier moment responsable. Le dernier moment responsable est une stratégie agile qui consiste à ne pas prendre de décision trop tôt, à retarder le plus possible la prise des décisions irréversibles. Avant cet instant, on travaille sur plusieurs pistes prometteuses en parallèle. Jusqu'à quand ? Jusqu'au moment où le fait de ne pas prendre de décision coûte davantage que le fait d'en prendre une.

Les entreprises cherchent encore trop à anticiper (aaahhh le culte de la planification !) et n'ont en revanche aucune capacité à lâcher prise. Ces 2 choses se traduisent par la volonté de tout contrôler, le plus tôt possible, et les empêchent de prendre des risques. Management et incertitude ne font pas bon ménage... Pourtant, décider trop tôt c'est fermer des portes. Alors que pour innover, on cherche plutôt à en ouvrir !


Voilà où j'en suis de mes observations sur l'agilité, l'innovation et la culture d'entreprise. Je serai heureuse de lire vos points de vue dans les commentaires pour continuer de nourrir nos réflexions.
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