Innovation et échec en entreprise

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Échec et innovation : un bon ménage dans l'entreprise ?


Dans une entreprise, la peur de l’échec conduit le plus souvent à la lenteur (voire à l’immobilisme) et à l’absence de prise de risque.

À l’inverse, dans une startup, la peur de l’échec conduit au sentiment d’urgence, à la nécessité d’expérimenter rapidement et donc à prendre des risques.

Comment expliquer cette différence ?

Pour démarrer, je vous propose de nous replonger sur ce qui fait la différence entre une startup et une entreprise (si vous ne l’avez pas déjà lu, nous avons écrit un article sur le sujet) :
- L’entreprise est une organisation permanente qui est organisée pour exploiter un business model
- La startup est une organisation temporaire qui est organisée pour trouver un business model

2 structures différentes, 2 objectifs différents… et des manières différentes de s’organiser pour les atteindre. Là où ça se complique pour les entreprises, c’est lorsqu’elles cherchent à innover pour continuer à se développer. Et donc faire cohabiter dans une même organisation 2 objectifs :

1. Continuer à performer et exploiter efficacement son business model...

… car il fait vivre l’entreprise aujourd’hui. Dans ce contexte, l’échec n’a pas vraiment sa place. On est dans un environnement relativement maitrisé, avec peu d’incertitude, et on cherchera principalement à optimiser et améliorer (les process, les produits, les marges, …). L’ échec est dans ce cas un échec d’exécution, mal réalisée.

2. Innover et trouver de nouveaux business models...

… car ils feront vivre l’entreprise demain, en étant les prochains moteurs de croissance du business. Dans ce contexte, l’échec est plus souvent la norme que l’exception. Vous connaissez d'ailleurs peut-être cette citation d'Elon Musk "if things are not failing, you are not innovating enough". L'échec fait partie intégrante de cette phase de recherche et d’exploration, du fait notamment d’un contexte de forte incertitude. Il faut savoir l’accepter, mais aussi capitaliser dessus pour ne pas refaire les mêmes erreurs encore et encore.

Le problème du rapport à l'échec ?

C'est qu'on utilise un seul mot pour parler de plusieurs concepts, sans faire la part des choses en fonction du contexte. En l'occurrence, lorsque l'on innove (que l'on cherche un nouveau business model, un remède contre le cancer, une manière d'aller vivre sur mars, ...), l'échec fait partie du processus. Ce n'est qu'une étape (indispensable) même si on préfèrerait toucher juste tout de suite. C'est l'échec d'exploration : la conséquence d’un contexte de forte incertitude, propre à tout projet innovant. Et dans ce cas, il faut surtout le voir comme un apprentissage, qui va nous permettre, petit à petit, de trouver la bonne équation (sur ce sujet, regardez cette conférence absolument géniale de Tim Harford sur le "complexe de Dieu")

L’entreprise ambidextre

Cette différence est un des points clés pour les entreprises qui veulent innover. L'écueil que l’on rencontre le plus souvent chez les entreprises avec lesquelles nous travaillons, c’est que l’innovation et la recherche de nouveaux business models sont traités de la même manière que l'exécution / amélioration / optimisation : les mêmes process, les mêmes grilles d’analyses, les mêmes méthodes de reporting et les mêmes indicateurs de succès et d’échec (et de ROI).

Et ce traitement identique est, de notre point de vue, une erreur. Car pour innover, il faut embrasser pleinement l’incertitude, prendre le temps d’explorer, de tester, d’avancer par essai-erreur et de prioriser l’apprentissage sur le ROI à court terme (on aura l’occasion de reparler de ce sujet). Il faut dans ce contexte accepter, et même inciter l'échec (et surtout l'apprentissage qui va avec). Ce qui nous amène à introduire le concept d’organisation ambidextre :
Le modèle d’organisation ambidextre constitue l’une des réponses avancées par la littérature pour développer des innovations radicales dans les grandes entreprises. Il met en avant la coexistence d’unités dédiées à l’exploitation et d’autres à l’exploration et au développement de ces innovations.

Sihem Ben Mahm oud Jouini, HEC - CRG (CNRS & Ecole polytechnique) Florence Charue-Duboc, CRG (CNR S & Ecole polytechnique) François Fourcade, ESCP-EAP


C’est à notre sens une des clés pour faire cohabiter ces deux objectifs nécessaires d’exécution et d'exploration. Et même si cela ne semble être que l’apanage des grandes entreprises, il est crucial pour chaque entreprise, quelle que soit sa taille, de distinguer dans son organisation ce qui concerne l’exécution de ce qui concerne l’exploration. Et de les traiter différemment.

Sans aller jusqu'à créer des unités dédiées (ce n'est pas envisageable pour toutes les tailles d'entreprises), il s'agit de traiter différemment exploration et exécution, d’avoir au minimum des approches et des méthodes d’analyses et de reporting dédiées. Sans oublier la diffusion d’une culture entrepreneuriale, d'abord auprès les personnes concernées par l’innovation, puis pour tout le monde. Car, au-delà de réussir à faire vivre des démarches d’innovation internes, le succès de l’entreprise dépendra de la manière dont les deux parties, l’exécution et l’exploration, peuvent cohabiter de manière équilibrée et durable pour assurer le développement de l'entreprise.

Gérer et structurer l’innovation au sein d’une entreprise est le sujet du moment au Shift, ce n’est donc que le début d’une série d’articles sur le sujet.

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